Contexte du départ :
Janvier 2011. Un an déjà que je vis à La Réunion. Un an de découvertes, de rencontres, d’apprentissage de la vie locale. Mais un an sans voyage lointain ni grands horizons. Le corps et l’esprit appellent : il devient urgent de partir. Sans grandes réflexions, je choisis Madagascar. Je prends un billet sur internet, j’achète une carte de l’île et trois jours plus tard je m'envole. J'ouvre la carte. Question: quand j'arrive, où irai-je ?! Le passager à mon côté est malgache. Je lui pose des questions, lui demande d’où il vient, ce qu’il me conseille de visiter. Ce monsieur vient de Tulear (au sud) et m’indique les sites de cette région. J’écoute attentivement. L’avion atterrit, j’ai pris ma décision: je pars au sud.
Dans l’avion, 12 janvier 2011
Un départ, enfin. Seule. À l’horizon il y a les nuages, un bout de ciel bleu et le total inconnu. Dans le sac une carte routière et dans la tête une curiosité à toute épreuve. Aucune idée du où ni du comment… Des envies seulement… Une envie. Voyager. Et cette fois-ci à l’aventure ! La suite n’est que points d’interrogations sans certitudes aucunes. Vers où le vent soufflera ? Vers qui dirigera-t-il mes pas ?
La côte apparaît, infime liseré parmi les nuages blancs-gris qui rendent le territoire invisible. Un fleuve, immense, des dunes desséchées et boisées.
Pause photo.
Il n’y a pas d’angoisse, pas de peur. Plus tard peut-être… Mer de nuages encore, la terre se cache sous le coton.
L’avion descend, il traverse la mer…
Antsirabe, 13 janvier 2011
L'Afrique est là. Le Mexique aussi, et probablement plein d'autres pays. Je retrouve les odeurs, les marchés faits de bric et de broc, les offres et propositions insistantes... Je suis la seule étrangère mais je me sens bien. Je retrouve le zen du voyage et ne ressens aucun stress face au tumulte de la populace.
Antsirabe est une jolie ville, avec ses maisons à étages montées de briques rouges. Certains balcons s'ornent des mêmes dentelles créoles. Cela ressemble beaucoup au style colonial.
J'ai rendez-vous avec Tony d'instant. Viendra-t-il? On verra... Je viens de faire affaire avec Jean-Christophe et Jean-Baptiste, deux frères sympathiques qui essayent de s'en sortir tant bien que mal pendant la crise. Il n'y a pas de touristes en ce moment, c'est la saison creuse.
Le ciel est gris, l'air frais. Les hautes bâtisses cachent les montagnes et il me tarde de sortir de la ville pour découvrir les alentours. Nous sommes à 3000 mètres d'altitudes et le paysage a offert jusqu'à présent un tapis vert et rouge de plaines vallonnées. Beaucoup de rizières, de papyrus et de champs verts contrastant vivement avec le sol rouge. Les vaches à bosse se promènent, des enfants tous nus jouent dans des étangs, du linge sèche au-dessus des rivières marrons. Les endroits où l'eau ne circule plus sont envahis de détritus et je n'ai vu aucune poubelle dans la rue (poubelles fermées j'entends).
À Antsirabe il y a des pousse-pousse, principalement à pieds, quelques-uns en vélo. La ville est presque entièrement plate. Heureusement…
...
Tony n'est pas venu...
Mais j'ai rencontré Capifranche et Manentsaina.
Capifranche et Manentsaina vivent ensemble depuis cinq ans dans une minuscule maison de 10 m²... Depuis quelques mois la sœur de Capi vit avec eux, jusqu'à obtention de son bac.
Capi est la seule à travailler et c'est donc elle qui subvient aux besoins de toute la maisonnée. Accord passé avec son fiancé le temps qu'il termine ses études. "L'amour c'est comme une fleur, il faut toujours bien l'entretenir, toujours bien s'en occuper..." dit-il. Alors les deux, depuis huit ans maintenant, s'y attèlent. Chacun y met du sien et accepte. Ils sont beaux tous les deux et cela me laisse songeuse. Oui, ça peut être beau l'amour…
C'est une belle leçon de vie. Vie de famille, vie de couple... Vie tout court.
Antsirabe, 14 janvier 2011
Ambohinahasoa, 15 janvier 20011
Je suis épuisée... Quelle journée! Une journée commencée tôt ce matin (voire presque hier soir avec la visite de la boulangerie du village) vers six heures et demie. La nuit entourait mes pas à mon arrivée et c'est donc la surprise qui, ce matin, m'a levée. Quelle beauté bien sûr. Hautes maisons aux toits pointus, briques rouges, balcons de boiseries, le tout sous un ciel matinal éclatant et parmi une végétation aux verts changeants.
La campagne, enfin. Et la compagnie, ainsi que l'accueil de la famille de Capi. Je les remercie de me recevoir, ils me remercient de les visiter... Dans la rue le même phénomène où se chuchotent des "merci de venir visiter notre pays!" sans même que je ne m'en aperçoive!
... Au fait, les "vaches à bosses", ce sont des zébus, hé banane!
Ambohinahasoa, 16 janvier 2011
Un départ, encore une fois, retardé. L'esprit est en famille et trouve sa place parmi les rires d'enfants et la compagnie des rencontres nouvelles. Il apprend.
Il apprend l'art des tresses malgaches; nouées sur le côté avec barrettes et jupette relevée, le cœur est prêt à être attrapé; nouée à l'arrière avec le bout apparent, le deuil du mari est entré dans la maison. Il apprend le rituel des rencontres amoureuses; prendre dans la rue un objet à la volée de la jeune fille convoitée, la présentation aux parents, le prix de la dot, les fiançailles, le mariage... Il apprend les mets traditionnels et le partage sur l'assiette remplie de riz de minuscules bouts de viande ou d'accompagnement de légumes, entre tous et nombreux. Il apprend les dons de ses hôtes aussi, bricoleurs et experts d'eux-mêmes; joaillier par nature, boulanger par observation, futur DJ, orateur précoce…
L'esprit apprend et observe. Il voit les jeunes enfants indépendants et débrouillards laver le linge, couper la nourriture, chercher l'eau au puits, partir acheter de quoi manger, porter les bébés... et sourire de toutes leurs dents éclatantes à la vue de leurs photos. Éclats de rires sincères et sans équivoque. La curiosité appelle et les jeunes filles m'entourent pour regarder ce que j'inscris dans ce carnet. Un gran moun se mêle à elles. Mais que peut-elle bien faire? Qu'inscrit-elle...?
La nuit est sur le point de tomber et la journée aura été entièrement accompagnée. Se sentir si bien accueillie, se sentir intégrée. Se sentir chez soi, loin de chez soi. Se sentir loin de chez soi, chez soi. Où est donc le véritable chez soi?
D'innombrables anecdotes s’accumulent encore. Demande en mariage sur musique de fous rires, découverte du marché aux zébus avec vendeurs de "tabac illicite", l'insatiable envie de beignets, sambos, nems etc..., visite d'un parc avortée, début de formation d'un harem pour les copines, altères malgaches, apprentissage de la langue malagasy : "Salam ve. Ina ro vao vao? Nanakory ny nandriana? Misaotsa...". Et le partage d'une vie des plus rudimentaires aux conditions sanitaires à en faire s'évanouir plus d'un.
Simple rencontre issue du hasard qui transforme les êtres côtoyés en personnages que l'on a du mal à quitter.
La route appelle cependant, et elle voudrait tous les embarquer.
Que va-t-elle réserver à présent?
Ambalavoa, 17 janvier 2011, Escale
J'ai attrapé froid, c'est bête. Pas trop d'efforts demandés aujourd'hui alors ce n'est pas grave, mais je croule sous les vestes et pulls par une chaleur dans le taxi brousse suffocante. Je ne veux pas laisser le moindre courant d'air empirer mon état!
Ranohira, 18 janvier 2011
Des rencontres, une ballade, la détente... Je me laisse emporter au fil du vent et des ressentis, et c'est bien.
Un déluge a accompagné mon arrivée hier soir, après une journée de rhume (fièvre?) dans le bus. Dommage, les yeux se fermaient par moment et perdaient de la vue. Ils l'ont saisie cependant, ils l'ont vue changer, évoluer. Passer de montagnes boisées à collines verdoyantes et rases, surplombant un lit de rizières. Puis les roches sont apparues se dressant sur un terrain de plus en plus aride. Les yeux se ferment... Au bout d'un certain temps c'est une plaine à perte de vue qui défile à travers les vitres, elle semble verte mais se dore des rayons couchants. Les paupières tombent, ainsi que la nuit. Elles se réveillent quelques secondes, un éclair au loin irradie le ciel d'un trait sec. Sur la droite celui-ci se rose en une bande luminescente; sur la gauche il est noir et stoppe net le bandeau de lumière. La pluie tombe au loin, en grosses gouttes, en intense averse. Pendant ce temps le soleil se couche près d'elle, dernier soubresaut de couleur claire. À présent tout est sombre, et au loin la pluie. Les yeux sont fermés, ils dorment... Ils s'ouvrent brusquement et lisent: "Mairie de Ranohira". Je suis arrivée!
Il pleut des trombes.
Cette nuit, la fièvre.
Ce matin, le coaltar.
Décision longue et hésitante, finalement c'est le cœur qui en aura la raison. Au programme, la crête et la piscine naturelle. Je passe les détails de tarifs exagérément exagérés. Mais je profite tout de même de l'occasion pour me guérir d'une petite promenade dans la nature. Et beaucoup étaient au rendez-vous! Serpents, scorpions, mille-pattes, scolopendres, faucon braisé (?), termites, grande araignée noire et blanche et même cigale pourtant si difficile à apercevoir. Mais soudain (surtout!) et c'était tout à fait inattendu à cet endroit, j'entends: "Oh regarde! Tu as de la chance...". Je tourne la tête, il y a un lémurien sur la roche en face de nous. "Ils sont deux... Trois, oh quatre! Tu as de la chance. C'est la première fois que j'en vois par ici".
Oh, merci ma bonne étoile...!
On continue et c'est chouette une petite ballade dans la nature. On surplombe la plaine et c'est beau, toujours ce contraste des cultures verdoyantes sortants de cette terre si rouge. Les maisons ont changé quelque peu, moins hautes et non plus de briques mais de terre séchée. Les toits sont de chaume.
Je fais la connaissance de Zézé un peu plus tard, au retour. C'est le propriétaire de l'hôtel. Quelqu'un de bien sympathique qui me fait goutter d'un bout de la culture locale. Je me rends compte d'ailleurs que cela me délie l'écriture... Est-ce bien? Est-ce mal? Il faut, peut-être, tout simplement l'accepter...
Cet hôtel est bien tranquille...
Mes rêves me poursuivent... Celui-là sera peut-être le dernier, inchallah.
Ifaty, 19 janvier 2011
Sur la plage... L'eau est si chaude... et le ciel clair obscur si beau.
...
Joyeux anniversaire Francky, les cybers-cafés sont rares par ici.
…
Ici le tourisme est là, l'ambiance aussi. Tant de choses à dire... ça y est. Une semaine là, tout juste arrivée ici. Une arrivée chouette et chanceuse, grâce à Pierre et ses acolytes voyageurs de Nouvelles Frontières. Un trajet jusqu'à Tulear, et finalement Ifaty, un restau, des boucles d'oreilles, un collier à offrir plus tard et la proposition d'une chambre d'hôtel très clin... Trop clin, il ne faut pas exagérer…
…ECRIRE POUR FAIRE
RÊVER LES GENS ET
RACONTER TON VÉCU...
Un message... En direct.
"Écrire. Il faut faire rêver les gens... Mais toujours avec une pointe d'épée."
Que dire? Les mots s'échappent, le cœur monte, l'esprit...
Fond de Bob Marley, avec le Jamalah. Le ventre ronfle, il crépite. Enfin... Merci. Merci ma Bonne Etoile, merci mes Anges Gardiens. Ifaty...
Ici.
"…le problème c’est que ça ne s’arrête jamais ! C’est comme ça tout le temps ! Si tu es comme ça maintenant tu le seras toujours… Ne t’arrête pas, pour rien, pour personne ! C’est là. Au fond de toi."
Une messagère.
Ifaty, 20 janvier 2011
La Musique…
La musique remplie. Elle comble les vides, elle transporte.
Ententes improvisées autour du
Jamalah Jamalah…
Ooh Ooh
Yananaee Yananaee
L’énergie de dégage et se partage…
Manguily, 23 janvier 2011
Je ne suis pas à Ifaty mais… à Manguily, quelle surprise!
Quatre jours pieds nus, quatre jours sans chaussures. Ni sur la plage, ni sur les chemins du village, ni au marché, ni même à la ville de Tulear... Ici chaque route est faîte de sable et n'apporte douleur que sous le soleil brûlant de l'après-midi. Heureusement, le ciel se couvre souvent à ce moment-là et diminue la température au supportable.
Alors je me promène. Sur la plage devant les petites boutiques et suivant le sillon des pirogues à voile près du rivage. Les jeunes filles proposent des massages, des paréos, des colliers. Elles harcèlent et laissent peu tranquilles... Rencontres intéressées qui ne laisseront pas leur part à la découverte de personnalités intéressantes. Les jeunes garçons pêchent ou courent tous nus sur la plage. De gros coquillages blancs jonchent le sol parmi les algues rejetées par la marée. L'eau est tantôt au loin, tantôt en train de lécher le bord des petites boutiques de bois.
Au bout d'un moment je retourne dans les terres en traversant un hôtel (ils se suivent et se voisinent les uns à côté des autres tout au long de la plage). La végétation est aride, le sable de plus en plus chaud. Je longe les petites bâtisses faîtes de cannes et de bois, "les maisons préfabriquées" facilement démontables. Elles dépassent rarement la taille de 10 m². Petites bicoques conçues initialement par les pêcheurs nomades; à présent elles se stabilisent. De temps en temps j'aperçois un baobab, deux... Quelques zébus, des chèvres, des poules, un coq de combat, des cactus de toute part.
Auparavant tout était recouvert ici, partout la forêt, une forêt d'épineux. Tout a été brûlé, coupé, arraché, pour l'installation des hommes. Pourquoi n'en ont-ils pas même conservés quelques-uns, ne serait-ce que pour l'ombrage totalement absent du village?
Mais la vie est tranquille en ce moment. Pas de touristes! Et tout est lent. Le pas pour rejoindre la paillotte de Luga, préparer à manger, fumer, attendre le temps qui passe... "C'est tout ce qu'il y a à faire ici... Fumer... Boire...". La saison est creuse.
Les pêcheurs, eux, s'activent cependant et ils ramènent toutes sortes de poissons: poulpes, langoustes, capitaines, crevettes...
Depuis l'intérieur de chez Luga j'observe le haut baobab de quatre cents ans environ. Je sors et entends le frottement du riz trié, tshtshtsh tshtshtsh... Le coq saute dans le trou-poubelle et appelle la poule pour lui proposer épluchures, plastiques, papiers. Le silence se fait de pleurs d'enfants, de cocotements et de chants évangéliques à l'église du coin. Le rythme des tambours lui confère un air de fête. Mais non, il s'agit bien de l'Église, ouverte toute la journée et qui accueille les fervents pratiquants jusqu'à la nuit. Par moment je lorgne ces riches et gros ″wasa″ s accompagnés de ces toutes jeunes malgaches. Me voici confrontée, pour la première fois, à la prostitution.
Rencontres et découverte d'une autre vie.
Manguily, 24 janvier 2011
Manguily, 25 janvier 2011
Le temps passe... Envie d'en connaître davantage, et envie de découvrir plus de Madagascar. Le cœur balance. Il faut se décider. Mais le temps est agréable ici, quand le ventre cesse de faire des siennes.
Promenade jusqu'à Ifaty ce matin. Longeant la plage la marée était haute, l'eau translucide, le sable blanc. Quand l'envie m’en prend, une halte dans une petite crique un peu plus tranquille, et un long bain stagnant dans une eau si chaude. Baignoire gigantesque et naturelle.
Le bain du matin...
Au loin les pirogues prennent le vent. Les voiles se gonflent et les petites embarcations prennent de la vitesse. Ça s'active au matin à la pêche. Sur la plage même des groupes de jeunes tirent sur de grands filets. À cette heure, on n'en voit que deux cordes. Calamars seront au menu ce soir.
Il y a des carences alimentaires ici et elles peuvent rapidement se faire sentir, surtout avec la chaleur. Attention à la déshydratation. Attention à bien se nourrir (et pas forcément dans les restaus, bien au contraire...).
Manguily, 26 janvier 2011
Les bourses se vident, le départ approche. Qu'il est difficile, encore une fois, de partir. Le grand tamarinier, haut protecteur du village, ne se pose pas la question lui. Il est là et restera là, tant que les hommes le respecteront. Il ouvre ses grands bras au-dessus des tables et offre ombre et sérénité à ceux qui sous son auge s'installent. Au petit déjeuner, au déjeuner, ou bien comme ça, tout simplement, pour apprécier au point central du village. Les feuillages montent haut vers le ciel, puis redescendent à quelques centimètres seulement du sol. Cercle d'ombre et de fraîcheur. Auparavant ce lieu était celui des réunions des marabouts et autres chamans, qui n'arrivaient jamais sans une offrande pour cet être protecteur. Le Tamarinier. Peut-être ici seule espèce respectée et donc un minimum protégée.
Envie de rester et de découvrir davantage certaines personnes. Mais le retour (par une autre voie) demande du temps. Ne pas se perdre dans les méandres du voyage... Celui-ci comporte une fin, il faut l'assumer.
Mais la vie tranquille des gens appelle, retient. Il n'y a point de touristes et beaucoup de Jamalah. Peut-être est-ce cela également qui ancre et empêche le déplacement? Car le temps dans l'instant s’arrête, mais file tout en même temps...
Manguily, 27 janvier 2011
Il est tôt le matin, les pêcheurs partent en mer. Les voiles prennent forme et se dirigent au loin éclairées des premiers rayons du soleil bientôt chaud. L'horizon se parsème peu à peu de petits mouchoirs blancs tendus vers le ciel et sa longue ligne discontinue est à présent arrimée. Sur la plage, un peu plus loin, des personnes s'agglutinent: la pêche de nuit vient de rentrer avec, au fond des canots, calamars, crevettes et gros poulpes. Les mères et enfants viennent y faire leurs provisions, pour la famille et pour les clients.
J'observe ainsi la journée démarrer, la plage n'est pas même encore éveillée. À peine quelques taches de couleurs dorées s'immiscent entre les cocotiers. Parmi les hommes, certains s'en vont en mer, certains se lèvent à peine, d'autres dorment encore. Tous se réuniront bientôt (sauf les pêcheurs) sous le tamarinier, sous les hauts branchages et autour du petit déjeuner. Instant d'échange et de discussions, de prêche et de réflexion.
Le soleil avance sur la plage et de plus en plus de jeunes arrivent avec leurs pagaies, leurs filets, chargent les pirogues. Soulever, marcher une dizaine de mètres, attendre la mer et s'installer, ramer.
Le soleil me chatouille la nuque. À cette heure-ci l'air est encore frais, agréable. Bientôt il se réchauffera et demandera au corps un bain, puis une humidité constante et de l'ombre, surtout de l'ombre. Les pieds danseront sur le sable brûlant et la chaleur, accompagnée du ″déstabilisateur de l'espri″t, plombera. Ici c'est farniente et l'on peut facilement comprendre pourquoi. Mais pour l'instant, c'est l'heure du thé.
Sous le tamarinier...
Manguily, 31 janvier 2011
L'amour. L'amour à la malgache, direct et improbable. Mais un amour qui explique un départ sans cesse repoussé. Un peu de tendresse dans ce monde de sexe. Le soleil est revenu et chauffe à nouveau.
Faire confiance. Avoir confiance.
S'écouter et Écouter.
Apprendre.
Un long week-end avec (très) peu de sommeil vient de s'écouler. Fête, ville, dansé collé-serré, observer, voir, rire, apprécier, être fatiguée, très fatiguée... La nuit accompagnée à défaut de reposer apaise. J'arrive avec la pleine lune et c'est la nouvelle lune qui prend le relais.
Le temps est passé, si bon, si vite.
"Heureux les pauvres de cœur le Royaume des cieux est à eux. Heureux les doux ils obtiendront la terre promise. Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, ils seront rassasiés.
Vous êtes le sel de la terre. Si le sel se dénature, comment redeviendra-t-il de sel? Il n'est plus bon à rien, on le jette dehors et les gens le piétinent. Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Et l'on n'allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, on la met sur le lampadaire, et elle brûle pour tous ceux qui sont dans la maison."
Babis.
Salary, 3 février 2011
Départ. Avec l'Amour. Peut-être était-ce cela qui manquait, peut-être était-ce cela, finalement, que j'attendais ?
Alors le soleil se lève ce matin sur la plage gonflée de rose. Mais je suis trop fatiguée et ne me lève pas. Les fesses et le bas du dos sont encore trop endoloris du trajet en camion-brousse d'hier soir... Les déplacements ne se payent pas monétairement ici mais physiquement. Et patiemment. Manguily-Salary, 90 km, une journée de transports sur piste de sable. Un premier camion-brousse, une charrette de zébu pour traverser les zones impraticables, un autre camion-brousse qui attend le déchargement des innombrables paquets du premier, le rapatriement par charrette et enfin, le rechargement. Il peut bien se passer plusieurs heures... Dans le camion, de gros sac de riz, de ciment ou autre et une dizaine de gros bidons se répartissent sur tout le sol; les jambes ne pourront se suspendre normalement et seront durant tout le trajet pliées et relevées. Le poids tombe sur les fesses qui reposent et se tendent de plus en plus sur le siège dur. Pour rejoindre leurs villages, certains termineront leur route en pirogue...
L'eau est turquoise, le sable blanc. Plage de rêve où le ″wasa″ se fait rare, très rare. C'est un petit village de pêcheurs sur le Canal du Mozambique...
HYMNE A LA MER
Ode unique et sincère,
elle bascule vers l’éphémère.
L’horizon s’étend, lointain
et la raison entend, au loin.
Qu’il est long le chemin,
comme il semble voué sans destin.
Mais il est là,
bien là ancré dans la Terre,
bien là dirigé vers la Mer.
La mer appelle au voyage,
elle invite. Ses bras s’ouvrent
au grand large et sa poitrine
étreint en un doux rivage.
Qu’il est beau le lointain
comme est bon le paysage.
La Madone fredonne au creux
de l’oreille.
Son souffle sobre berce
Elle caresse mielleuse et susurre
à l’oreille
« Qu’il est beau de rêver…
Qu’il est bon de voyager… »
Salary, 5 février 2011
Le départ s'approche... Après deux jours et trois nuits... Le temps était quelque peu long par ici. Le Soleil fort et le Vent lui répondant. Les énergies s'en sont senties troublées et de nouveaux imprévus viennent s'immiscer. Imprévus évitables mais non évités... Peut-être une communication manquée?
La route continue cependant, pas de retour à la maison. Enfin, pour l'instant. Il va falloir des énergies très fortes pour réaliser, jusqu'au bout, ce chemin du retour...
Bevato, 6 février 2011
Une étape, si l'on trouve une autre pirogue jusqu'à Morombe. L'eau est pleinement turquoise et j'ai de nombreuses pensées pour tous mes amis fans de plages paradisiaques: je la côtoie depuis quelques jours maintenant. Eau claire, dégradés de toutes sortes de bleus, sable fin irrémédiablement blanc... Au loin de petites îles ou de simples dunes de sable sortant de l'eau.
Magique...
Une nuit à la belle étoile aussi, enfin.
Morombe, 8 février 2011
Deux jours en famille, dans la ville la plus crade de Madagascar... Mais c'était bien. Mal au ventre encore, au prochain voyage il faudra vraiment y remédier.
Ici c'est la vie au marché, la chaleur écrasante et accablante à la maison, la file des grosses assiettes pour les enfants, la télé, la petite Naida-tan espabilada-future danseuse et chanteuse, des promenades dans l'herbe grasse et bouseuse ou bien sur la plage emplie de déchets et de crottes humaines... Les coquillages sont si beaux.
Prochaine étape, Belo inchallah. Ce ne sera pas évident mais on s'accroche. Le compte à rebours a commencé aussi et demande une drôle de gestion de l'esprit. Il s'adapte et s'adaptera surtout la prochaine fois, avec un départ sans retour, quelque soit le voyage, quelque soit la destination. Il faut rester libre, toujours libre. Oui, c'est ça, toujours libre.
Mais pour l'instant les vents sont contraires.
Prions.
Antalampoaki, 10 février 2011
Le soleil est particulièrement écrasant aujourd'hui, et beaucoup moins supportable après les presque douze heures de pirogue d'hier. Le visage chauffe un peu et le corps semble de plomb. Le point d'arrivée que l'on s'impatiente de découvrir se fait attendre. Vent du Nord, à présent Nord-Ouest, nous attendons qu'il tourne définitivement pour nous être favorable...
Enfin un peu de tranquillité...
Je ne serai pas à destination demain, je ne serai pas dans l’avion au moment du départ. Si seulement j'avais un moyen de prévenir...
Cette chaleur fatigue et plombe. Le ventre lourd l'accompagne. Quand cessera-t-il ses crises et s'adaptera-t-il facilement à toutes situations? L'envie de dormir semble vouloir prendre le relais pour apaiser tout le monde.
Le mini coin d'ombre est libérateur.
Belo, 11 février 2011
Objectif premier atteint! Pas dans les temps mais peu importe, rater l'avion était inclus dans le ″forfait Liberté″...
C’était chouette, hier, à Antalampoaki. Plage sauvage où il suffit de tendre les filets au bord même pour y ramasser tout un tas de petits poissons. L'air y était tranquille, tout comme les dunes, hautes et chaudes sous le soleil brûlant. Il chauffe fort ici et fait souffrir. Il faut couvrir les pieds pour marcher et la recherche de l'ombre se fait de manière instinctive. Penser à boire, à se protéger la tête. Et sur la pirogue, l’astre est écrasant. Comme il est appréciable alors lorsqu'il décline au soir et se cache derrière les nuages puis sous l'horizon. Les couleurs qui l'accompagnent sont souvent grandioses sur la mer de plus en plus mouvante, et la côte bordée d'arbres se pare d'une robe dorée et brillante. C'est beau.
Morondave, 12 février 2011
Destination finale!! Avion définitivement loupé... Et des sous sur le compte tombés du ciel. Ça sent la liberté. Ça sent le voyage. Mon esprit est libéré. Il n'a plus de date fatidique et peut laisser le corps libre de vagabondages.
Le stylo lâche. Comme signe d'un nouveau départ. D’un nouveau voyage.
C'est bon...
Le vent souffle légèrement dans la chaleur étouffante et l'accueil dans la famille est tout aussi léger.
Ça aussi c'est bon.
…
Un peu plus tard, après la plage.
Un punch coco, Bob Marley, décalage. Mais l'effet monte et c'est bon.
C'est beau.
Effet magique de la musique. Je la sens entrer à l'intérieur et monter, tout doucement. Bientôt les crépitements du bonheur naissant. Le ventre tremble doucement, la tête bouge de gauche à droite, les pieds tapotent et le corps tout entier sursaute en rythme. Alors finalement oui, le décalage peut être bon. Quand la musique vous prend...
C'est un retour à la "civilisation". Après dix jours sur la plage, deux jours entiers en pirogue. La mer était belle, exquise, et les personnes de plus en plus aimables, ouvertes. Que dis-je, les personnes côtoyées bien sûr, car les autres...?
No woman no cry
Sy I remember...
À présent plus de retour, et un peu d'argent. Une liberté dans un accueil complet à la communication partagée. C'est chouette. Un excellent repas, des histoires, des bouts de vie interchangés. Des personnages insolites, de multiples enfants, des arrière et arrière(?)-arrière-arrière grand-mères, la photo du grand-père mort (puis vivant...), un ancien militaire-légionnaire-pêcheur-réparateur-chercheur d'or... Que du beau monde et une belle énergie.
Le voyage s'éveille et prend sens. À peine contrecarré par les deux vices, la clope et l'alcool.
L'alcool monte. Et bloque.
Toujours sans chaussures... bientôt trois semaines.
SAMPELAMPELA
Morondave, 13 février 2011
Des épreuves se répètent après des explosions de joie et de bien-être. C'est étrange. Imprévus troublants et bloquants, la tête ne sait que penser.
Heureusement aujourd'hui elle trouve l'accueil et une maman, la Maman de Natacha, initialement rencontrée à Manguily. Mais tout tombe à l'eau. Aujourd'hui c'est vraiment bizarre. Tout aurait pu parfaitement se goupiller, à présent tout est stoppé.
Ma fana ! Il fait chaud!
Morondave, 14 février 2011
Il est des rencontres et des maisons
qui vous accueille avec attention et bénédiction.
Maisons-mères, maison-protection,
maison au cœur grand ouvert.
L’amour y règne et flotte tout autour
il s’infiltre et brille.
Tendresse familiale offerte et partagée
affection maternelle reçue et pleinement appréciée.
Merci la Maman.
Les enfants sont comblés !
Allée des Baobab, 15 février 2011
Lever du soleil sur l'allée des Baobab. Hier, le coucher du soleil … Je ne suis pas sûre de pouvoir faire plus romantique le soir de la saint-Valentin.
La pluie arrive tout doucement, l’annonce du cyclone s’accentue.
Manguily
Jamais l'accueil n'aura été aussi "sauvage" et la sensation de déranger aussi grande. Enfin...
La terre, malgré son hostilité, est belle et dégage une belle énergie. Mais tout pique ici !
Morondave, 17 février 2011
Le cyclone arrive. Il est là, à une cinquantaine de km de Belo. La pluie a tonné toute la nuit, le vent était à la limite de la peur. À présent ça se calme, nous allons essayer de partir pour nous éloigner des zones à risques.
Nous avons de la chance tout de même : être abrités dans une des seules maisons en dur de la ville alors qu’il y a cyclone ! Une grande chance. Tout comme à Manguily, et lors de notre retour, que la pluie semblait attendre avant d'exploser.
Merci.
Alors je bois mon thé tranquille ce matin (thé préparé hier soir par la Maman et précaucieusement mis dans le thermos), j’observe le ciel gris gorgé de pluie. Par moment cela s'intensifie, puis se calme. Il y a encore de l'électricité, c'est bon signe. Le petit chat, Mademoiselle Minette, vient de s'installer sur mes genoux, j'attends les "bocboc". Y en aura-t-il par ce temps?
Je repense à ces deux jours passés dans la nature. Comme cela fut bon, comme cela fut requinquant! Coucher du soleil sous les baobabs, lever du soleil sous les baobabs, quelques kilomètres de marche, puis la décision de bifurquer à Manguily car le nom nous appelle, à 9 km. Sur le trajet, le baobab amoureux et nous, seulement nous, le sable pas trop chaud, et la Nature. Merci Soleil de ne pas nous avoir accablés et de t'être durant presque tout le trajet caché, et merci de ne pas avoir cédé ta place à la pluie aussi, qui semblait pressée de nous saluer. Depuis quelques jours elle est là mais lointaine, nous épargnant toujours. Merci.
13 km en tout dans la journée. C'était bien. Dommage que l'accueil que nous aurions pensé curieux fusse si accablant. Le monde est hostile là-bas. Chaque arbre porte des épines, chaque herbe pique, les mouches et moustiques sont particulièrement envahissants et agressifs. Et les gens...n'en parlons pas. Ça pique là-bas, tout pique. Mais la terre elle-même demeure accueillante, et belle.
Dans notre désarroi nous avons eu la chance de rencontrer J… qui, s'en trop abuser, nous aura permis de manger. Et le lendemain de nous accompagner durant 14 km à travers les sentiers de la brousse jusqu'à la route. Quelle aventure! Petits chemins, serpents, baobabs, cocotiers, très peu de maisons, crocodiles invisibles, chemins inondés à traverser... Un trajet qui m'aura fait un bien fou et qui m’aura permis de recharger complètement les batteries! Le zen parfois échappé est totalement retrouvé!
Nous goutons des différences culturelles… Alors un retour à la nature fait du bien, cela harmonise.
La radio annonce le cyclone à 50 km de Morondave. Qu'est-ce le mieux? Essayer de partir, attendre qu'il passe?
Plus de dix jours sans moyens de communication…
Morondave, 18 février 2011
Denis CONSTANT, Aux sources du reggae.
Je suis toujours pieds nus...
Contact entier avec Dame Nature.
Antsirabe, 20 février 2011
Retour à la case départ, au début, tout début du voyage. Quelles heureuses retrouvailles avec Capi et Manentsaina. Cela donne envie de repousser encore et encore.
J moins 1.
Cette dernière semaine aura été sous l'égide de la gastronomie. Les kilos s'accumulent mais ce n'est pas grave, c'était si beau, si bon, les gens étaient tellement heureux et les babines tellement rassasiées, plus que rassasiées !
À présent dernière ligne droite, il reste Tana, puis l'aéroport. Le temps passe. Si vite....
Tana, 21 février 2011
Dans l'avion.
Le départ du retour. Un retour plein de rebondissements et d'incertitudes. Comme si Mada ne voulait pas que je parte, et moi non plus. Et je pars aujourd'hui comme on part en week-end, quelques jours pour visiter la famille, les copains, puis je reviens...
Depuis l'arrivée à l'aéroport il y a plus d'un mois, jusqu'à maintenant, je me sens ici chez moi, complètement à l'aise et détendue. Comme partie intégrante d’un cadre qui a su si bien m‘accueillir… Merci.
Et quel voyage mes amis, quelle aventure!
Un rêve vient de s'accomplir. Un rêve qui m'appelle depuis longtemps et que je ne me sentais pas encore prête d'assouvir. À présent c'est fait, et j'en suis comblée. Un rêve de plus.
Partir seule, à l’aventure.
Alors les routes appellent à nouveau, et de plus en plus fort. Mon sac est prêt, il connaît. Le corps est robuste, il sait. L’esprit est en éveil, perpétuellement en éveil. Comme je suis contente... Une vague sensation de fierté emplie mon ventre encore désarçonné. Elle vient de mes pas qui ont côtoyés, hors des sentiers battus, une voie que très peu ont parcourue. Un parcours en cours d’exploration, un itinéraire tout juste repéré par les agences de tourisme… Alors, comment dire… Comment expliquer…? C’est comme si… Comme l’exploration d’un nouveau sentier, comme l’ouverture d’une nouvelle route. Oui… c’est ça, nous avons ouvert une nouvelle route!
Ce voyage a donc été complet, sans prévision aucune, sans organisation aucune, jamais. Simplement des désirs et des envies dans la tête. Des désirs et des envies, toujours et systématiquement assouvis. Des désirs et des envies constamment et irrémédiablement accomplis. Les guides ? Le Hasard, les Signes, les Ressentis. Les plus grands et les meilleurs que je connaisse. Des guides issus de l’Intuition et de l’Écoute de Soi. Du Feeling.
Et à tous ces guides, à tous ces amis, bien sûr, je leur dis un grand Merci !
C’est ça, oui, le véritable voyage… Sac au dos, sans retour et parcourant des contrées inexploitées, inexplorées. Vivant au fil du temps, au fil des gens. Au fil des envies et de la Vie…
L’avion décolle et je rentre chez moi…
Le soleil brille à l’horizon et chauffe mon cœur déjà chaud. Je frissonne. Des images défilent dans mon esprit. La Réunion est si loin… Elle se rapproche pourtant, à chaque instant. Et à mon retour, que va-t-il se passer ? Que va-t-il m’arriver ? Vers quels sentiers mes pas vont-ils me diriger ? Est-ce que les choses vont changer… ? Nul ne sait et mon cœur s’en fiche à vrai dire. Il sourit et s’évade dans son évasion, il est tranquille et en paix. Il se sent bien et moi aussi… Je ferme les yeux. Mon ventre se gonfle. Je sourie.
J'ai envie de repartir…
Le voyage m’appelle…
© Tous droits réservés – Natacha Berkovits (2013)
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